A travers la communication de ce jour, la Cour des comptes a communiqué sur les mesures conservatoires qu’elle a arrêtées et proposées pour application aux Ministres des Mines et des affaires sociales à l’endroit des Présidents des Organismes spécialisés chargés de la gestion de la dotation de 0, 3 % du chiffre d’affaires versée par les entreprises minières à ces organismes appelés autrement DOT.
Avant d’aller plus loin, il y a lieu d’expliquer au public le système de gestion de la dotation de 0,3 % minimum du chiffre d’affaires pour contribution aux projets de développement communautaire dans le secteur minier.
Je vais vous donner son fondement légal, sa nature juridique et son objet, les intervenants dans le système et le mode de gestion de cette dotation.
Fondement légal de la dotation de 0,3 % minimum
La dotation de 0,3 % minimum tire son origine de l’article 258 bis du code minier qui impose au titulaire du droit minier d’exploitation ou d’autorisation d’exploitation des carrières permanente de constituer, en franchise de l’impôt sur les bénéfices et profits, une dotation pour contribution aux projets de développement communautaire dont le montant minimal est égal à 0,3 % du chiffre d’affaires de l’exercice au cours duquel elle est constituée.
Nature juridique et objet de la dotation de 0,3 %
La dotation de 0,3% minimum du chiffre d’affaires pour contribution aux projets de développement communautaire dans le secteur minier est un fonds prélevé sur l’ensemble des revenus bruts de vente des minerais réalisés par l’entreprise minière pendant une année (chiffre d’affaires annuel).
La dotation a pour objet le financement des projets de développement communautaire dans la zone d’intervention de l’entreprise minière.
Cette dotation résulte de la volonté du Gouvernement exprimée à travers la Réforme de la législation minière intervenue en 2018 dans le but d’atténuer le contraste observé entre d’une part, l’accroissement des exportations minières suite à l’augmentation des sociétés minières et l’embellie des cours des métaux sur le marché international et la pauvreté caractérisée des communautés locales directement impactées par les projets miniers, d’autre part.
Les intervenants dans le système de dotation de 0,3 % minimum du chiffre d’affaires
Trois (3) entités interviennent dans le système de dotation de 0,3 % minimum. Il s’agit de :
- Les sociétés minières en phase de production ;
- L’organisme spécialisé ou DOT ;
- Le Comité de Supervision.
Les sociétés minières en phase de production
Toute société titulaire de droit d’exploitation minière ou de l’autorisation d’exploitation de carrières permanente en phase de production est tenue de constituer une dotation de 0,3 % minimum de son chiffre d’affaires en franchise d’impôt sur les bénéfices et profits pour contribution aux projets de développement communautaire.
Les organismes spécialisés ou DOT
La dotation de 0,3 % minimum est gérée par un organisme spécialisé installé auprès de chaque opérateur minier en phase d’exploitation minière effective. Par arrêté interministériel (Mines et Affaires Sociales) un organisme spécialisé est mis en place auprès de chaque projet minier conformément au Manuel des procédures de gestion de la dotation.
Le Comité de supervision
Ce Comité est composé des Ministres des Mines et des Affaires sociales et leurs services techniques compétents.
De la gestion de la dotation
La gestion de la dotation est assurée par le Bureau de l’organisme spécialisé, suivant la clé de répartition ci-après :
90% pour le financement exclusif des projets de développement communautaire ;
6 % pour le fonctionnement de l’organisme spécialisé ;
4% pour le fonctionnement du Comité de supervision.
La Cour des comptes s’est intéressée à l’utilisation des fonds ainsi collectés.
C’est ainsi qu’en date du 27 septembre 2024, j’ai signé 6 ordres de mission pour envoyer des équipes de contrôle de la Cour des comptes dans 3 provinces minières de notre pays, en l’occurrence le Haut-Katanga, le Lualaba et le Haut Uele.
Cet audit a comme objet le contrôle de la gestion de la dotation de 0,3% minimum du chiffre d’affaires pour contribution aux projets de développement communautaire par les Organismes spécialisés, institués par le code minier.
Les investigations de la Cour des comptes ont concerné 46 organismes spécialisés. Ces organismes ont géré dans leur ensemble un montant de 216 695 996,76 $ US sur cinq ans, allant de 2018 (deuxième semestre) à 2023. A l’issue de cet audit, les équipes de mission de la Cour des comptes ont relevé, dans le chef des Présidents des organismes spécialisés, de nombreuses irrégularités dont les plus graves ont consisté en la mauvaise répartition des dotations reçues des entreprises minières, au détriment des projets communautaires, la non-tenue des comptabilités, la non-mise en place de l’Unité d’Exécution des projets et de Cellule de Gestion des Projets et des Marchés Publics ainsi que la passation des marchés publics en violation de toutes les règles prévues en la matière. Compte tenu de la gravité des griefs formulés à l’endroit des Présidents des organismes spécialisés, la Cour des comptes a décidé de prendre des mesures conservatoires avant de finaliser son rapport de mission, en faisant application de l’article 39 de sa loi organique qui dispose ce qui suit :
Article 39
La Cour des comptes est habilitée à proposer à l’autorité hiérarchique ou à l’autorité de tutelle de prendre des mesures conservatoires lorsque de graves irrégularités sont constatées à l’occasion de ses contrôles. Ces mesures concernent l’auteur des irrégularités constatées et portent notamment sur :
- la proposition de suspension ou la proposition de destitution de ses fonctions ;
- le blocage de ses comptes bancaires ;
- l’interdiction de sortir du territoire national et l’obligation de se tenir à la disposition de la Cour des comptes jusqu’à la clôture du dossier ;
- l’interdiction d’accomplir certains actes de gestion ;
- la proposition de nomination d’un intérimaire.
L’autorité ainsi saisie doit, dans les 5 jours francs de la saisine, communiquer à la Cour des comptes les suites données à ses propositions.
Le Premier président de la Cour des comptes signale au Président de la République, au Président de l’Assemblée nationale, au Président du Sénat, au Premier ministre, au Président de l’Assemblée provinciale, au Gouverneur de province, au Président de l’organe délibérant et au chef de l’exécutif de l’entité territoriale décentralisée, selon le cas, des propositions de la Cour des comptes qui n’ont pas eu de suite.
En d’autres termes, si la Cour des comptes propose des mesures conservatoires susmentionnées aux autorités hiérarchiques ou de tutelle, ces dernières doivent les appliquer si non, le Premier président de la Cour des comptes en informe les plus hautes autorités de notre pays citées ci-haut. Dans ce cas, la sanction devra tomber sur l’autorité hiérarchique ou de tutelle complaisante. En application de l’article 39, le Magistrat rapporteur a fait rapport au Président de chambre, Superviseur de la mission, sur les irrégularités graves relevées au cours des investigations des équipes de mission de la Cour des comptes, en proposant la mesure de destitution de leurs fonctions à l’endroit de certains présidents d’organismes spécialisés auteurs des irrégularités graves.
A la demande du Président de chambre, superviseur de la mission, les Ministres des mines et des affaires sociales ont pris des arrêtés interministériels portant destitution des fonctions de certains Présidents des organismes spécialisés, auteurs des irrégularités graves relevés dans le rapport du Magistrat rapporteur.
ANNONCE
Je saisis cette occasion pour féliciter et saluer le patriotisme du Ministre des Mines et de son collègue des affaires sociales pour les mesures courageuses qu’ils viennent de prendre à l’endroit de certains Présidents d’organismes spécialisés. Ceci prouve la détermination du Gouvernement d’accompagner le Chef de l’Etat dans sa lutte pour la bonne gouvernance financière.
Aussi, pour ses audits actuellement en cours, la Cour des comptes est rassurée de la même réaction des autres membres du Gouvernement pour tous les cas de mégestion qu’elle va leur déférer, en leur qualité d’autorité hiérarchique ou de tutelle.
Dans le même contexte, sur mon instruction, le Greffier en chef de la Cour des comptes, a transmis au Parquet général près la Cour des comptes la liste des entreprises du Portefeuille de l’Etat et des Etablissements publics dont les mandataires sont en défaut de transmission d’états financiers à la Cour des comptes.
La Cour des comptes ne pouvant pas se saisir d’office, tous ces cas seront déférés très prochainement à la Chambre de Discipline budgétaire et financière, par le Procureur général près la Cour des comptes.
J’annonce, par ailleurs, à l’opinion publique et surtout aux agents et mandataires publics la politique adoptée par la Cour des comptes pour lutter contre la corruption, les détournements et toutes les antivaleurs qui gangrènent la gestion de la chose publique en République Démocratique du Congo. Cette politique anti-corruption s’articule autour de trois stratégies ;
L’application systématique des dispositions de l’article 39 de la loi organique de la Cour des comptes par la prise des mesures conservatoires contre les mauvais gestionnaires. Ces mesures consistent notamment, je vous l’ai dit, en la destitution des fonctions, le blocage des comptes et l’interdiction de sortie du territoire national. C’est le mot d’ordre que je viens de donner à tous magistrats de la Cour des comptes;
Le déferrement au Parquet général près la Cour des comptes de tous les cas des fautes de gestion relevées dans la gestion des agents et mandataires publics et des sanctions exemplaires en cas de faute de gestion établies. Les mauvais gestionnaires seront donc condamnés à de très fortes amendes ;
La mise à la disposition du Ministre de la justice en vue de la saisine des juridictions de l’ordre judiciaire compétentes de tous les cas de corruption et de détournement des deniers publics, en application de l’article 129 de la loi organique de la Cour des comptes ;
Je termine mon propos ici en disant ceci :
« La place des mauvais gestionnaires que nous appelons des indisciplinés budgétaires et financiers sera désormais et effectivement soit en prison, soit chez eux à la maison, loin de la gestion de la chose publique. Ainsi, les finances et les biens publics seront préservés de leurs appétits insatiables »
A bon entendeur, salut !
Pour visualiser la vidéo du point de presse, cliquez sur le lien de la chaine YouTube COUR DES COMPTES, RDC ci-dessous :
https://www.youtube.com/watch?v=X-rwEMhxGEw